De l'art du sifflet (75e Congrès du Parti Socialiste)
Suite de l'informelle quinzaine politique sur ce blog, qui devrait prendre fin vendredi prochain.
Ils ont donné une image d’eux-mêmes bien pathétique ce week-end, nos amis socialistes. Et on peut le dire sans tomber dans l’argument démagogue de l’opposition Congrès du PS / Sommet du G20. Chaque Parti politique doit régulièrement se retrouver, c’est une nécessité démocratique et intellectuelle, et ces réunions là nécessitent une préparation qui ne permet pas d'anticiper l'actualité.
Si ce Congrès avait un problème, c’est celui d’arriver un an trop tard. Une année de débat interne quand il aurait fallut que cela soit réglé, et que le PS soit en mesure de se tourner vers l'extérieur, de faire des propositions et, pour reprendre l'expression consacrée, d'ouvrir ses portes et ses fenêtres à des énergies militantes extérieures. Un délayage qui n’avait qu’un but : attendre la chute de Ségolène Royal. Cela fait maintenant quatre ans que ses adversaires jouent la montre en pariant perpétuellement sur son effondrement. A un moment, il sera nécessaire pour eux de comprendre que cette stratégie est mortifère : Ségolène ne s’effondre pas. Le PS, lui, oui.
Samedi après-midi, alors que Ségolène Royal prenait la parole, la salle a offert un curieux spectacle. Une partie des militants réunis en fond de salle par la Maire Aubryste de Reims étaient dans les starting-blocks, tous prêts à siffler celle qui est arrivée en tête du vote des motions. Le problème quand on siffle pour siffler, c’est qu’on a vite fait de siffler n’importe quoi.
En l’occurrence, les sifflets ont émergés au début de son intervention, alors qu’elle évoquait la nécessité de soigner le Parti Socialiste de ses blessures. Autre saillie de sifflets, un peu plus tard, à l’occasion de la proposition de compromis : renvoyer la question de l’alliance avec le Modem, assez honteusement instrumentalisée, à un référendum interne.
Au final, que disent donc ces sifflets ?
- Que le PS va bien, et qu’il n’a à se soigner de rien.
- Un rejet de l’interrogation directe de ceux qui font le PS, les militants, sur une question soi-disant cruciale et profondément clivante.
Halte à la rénovation, et à bas la démocratie interne : perpétuons le vieux PS, aristocratie d’élus qui vivent dans le mépris de leur base ! Quel magnifique message ont-ils ainsi fait passer !
Le sifflet est déjà un instrument de débat particulièrement faible, à fortiori entre gens qui, en pratique, sont quand même d’accords sur un grand nombre de points, puisqu’ils appartiennent au même Parti. Utilisé en plein Congrès, au cours de débats retransmis en direct sur les chaines info et parlementaire, il illustre le décalage du PS, qui semble n’avoir toujours pas la moindre conscience du monde profondément changé qui l’entoure et de l'image de lui qu'ainsi il renvoie.
Au final, le Congrès se termine sur une absence d’accord. Dans la bouche d'Hamon, Aubry et Delanoë, le point crucial qui a empêché les socialistes de se retrouver est l’alliance éventuelle avec le Modem au second tour, lors des élections nationales qui n’arriveront pas avant 2012.
Martine Aubry refuse totalement une telle alliance. Elle la pratique au quotidien pour diriger Lille. Benoît Hamon refuse totalement une telle alliance. Il était tout à fait d’accord pour que Martine Aubry se rallie derrière son nom. Même si elle la pratique au quotidien pour diriger Lille.
Comment ne pas appeler cet argument par son nom : un prétexte bassement politicien.
Amusante, cette histoire d’alliance avortée entre Aubry et Hamon. Celui qui est arrivé quatrième juste en dessous de 20% exigeait d’être le leader du regroupement face à celle qui a fait 25%. Cela témoigne, en creux, de la confiance qu’il portait en la parole d’Aubry et sa motion du n’importe quoi soit disant gauchiste, synthèse avant l’heure, alliance jospino-hollando-strauss-khano-fabiusienne incompréhensible et vaine, symbole majeur de la débilisation du Parti Socialiste. La motion Aubry est sans aucun doute l’une des plus profondément insensée et crétine de l’histoire du PS.
A coté d’elle Benoît Hamon, nouveau chef de file de l’aile gauche du Parti, qui représente historiquement de 20 à 30%, le reste regroupant l’aile ouvertement sociale-démocrate du Parti, réaliste et pragmatique vis-à-vis de la réalité de l’économie de marché planétaire. Sa rénovation à lui, c’est de revenir en arrière sur la seule avancée qu’ait fait le PS depuis deux ans. Soit admettre qu’il vivait dans l’hypocrisie au moins depuis 1983, et se présenter enfin pour ce qu’il est, et ce qu’il ne pourra de toute façon pas cesser d’être.
Parce que si on annonce vouloir rompre avec cette économie de marché planétaire, il faut admettre que l’échelle de la planète est la seule à laquelle ce soit possible. Deux alternatives sont donc envisageables : plusieurs replis protectionnistes s’opérant en même temps, ce à quoi on n’a rien à gagner ; ou bien l’action globale d’un gouvernement mondial, qui constitue une utopie qui reste entièrement à construire tant elle n’est même quasi jamais formulée.
Tout le reste est incantation au mieux. Simple mensonge de posture, plus vraisemblablement. S’il était validé, il ne conduira qu’à l'impuissance. Et donc à un divorce encore plus profond entre le PS et des français qui attendent de lui avant tout une chose : qu’il dise ce qu’il fait, et qu’il fasse ce qu’il dit.