CODE LYOKO EVOLUTION (France 4) – La série jeunesse vit encore ?
France 4 lance la diffusion d’une série de SF aux héros adolescents, qui mêle prises de vue réelles et animation 3D : « Code Lyoko Evolution ». Une initiative bienvenue après l’arrêt des séries teen de France 2 longtemps diffusées en matinée pendant les vacances scolaires – « Cœur Océan » et « Chante ! ». Elles avaient été remplacées par des soaps de daytime aux conditions de production équivalentes, mais mettant en scène des personnages adultes, signant du même coup la disparition du genre de la série ado des écrans français (1).
Difficile de comprendre comment on peut espérer réconcilier le public français et les séries made in France si, dès son jeune âge, on lui donne l’habitude de regarder exclusivement des programmes étrangers doublés.
Il y avait probablement une réflexion à mener sur la programmation des teen show français (je me souviens suffisamment de mon adolescence pour savoir que j’étais rarement debout à 9h30 en juillet et aout), mais France 2 a préféré jeter le bébé avec l’eau du bain, au risque de faire disparaître un genre entier de l’antenne, et d’accentuer encore un peu plus le très problématique manque de diversité des séries françaises – toujours les mêmes histoires, les mêmes procédés narratifs, et les mêmes personnages.
En effet, la raison de l’arrêt de « Cœur Océan » et « Chante ! » ne manque pas d’intérêt et montre le sectarisme, associé à un faux pragmatisme bébête, de nos responsables de la fiction. France 2 avait en effet constaté que ces programmes comptaient finalement davantage de téléspectateurs chez les adultes que chez les jeunes et les ados – en tout cas lors de la diffusion traditionnelle. Conclusion immédiate : elle allait améliorer ses audiences en mettant en scènes des héros adultes ressemblant au public dans des récits tenant de la saga d’été un peu fauchée. Comme si le téléspectateur était foncièrement incapable de se reconnaître dans un personnage qui ne lui ressemble pas trait pour trait. C’était oublier un peu vite que l’âge moyen du public de la chaîne américaine CW, spécialisée dans les teen show, se situe à quarante ans !
Au final, les remplaçantes adultes diffusées à l’été 2012, « Talons aiguilles et bottes de paille » et « Lignes de vie » ont fait moins d’audience que les séries ados pourtant un peu vieillissantes programmées l’été précédent. Tant pis pour les préjugés des programmateurs de France 2.
Le samedi en access (2), France 4 a lancé en ce mois de janvier 2013 une série qui vient en partie combler ce manque : « Code Lyoko Evolution ». Une fiction qui fait le pari du mélange de prises de vue live et d’animation 3D.
« Code Lyoko » est au départ un dessin-animé mêlant animation 2D et 3D, produit par Moonscoop : 97 épisodes entre 2003 et 2007. On y suit un groupe de jeunes personnages qui mènent la bataille contre une intelligence artificielle qui tente de prendre le contrôle du monde, Xana. Le combat se mène sur deux fronts : le monde réel (à l’époque représenté en animation 2D) et un univers virtuel, Lyoko (animé en 3D). Je ne rentre pas dans les détails : n’en ayant rien vu, j’aurais du mal. Mais de toute évidence, la franchise a un solide réseau de fans.
L’annonce d’une suite à la saga, qui mêlerait cette fois à l’animation 3D du monde de Lyoko de la fiction live pour figurer le monde réel a été faite l’année dernière, et le tournage des 26 épisodes de la première saison a eu lieu pendant l’été 2012.
Le résultat (3) souffre de certains défauts : quelques lignes de dialogue bien lourdes et dures à se mettre bouche, qui n’aident pas des acteurs dont plusieurs ont déjà l’habitude so frenchie de débiter leur texte sur un ton monocorde. Mais les épisodes sont fun et se laissent très agréablement regarder. Je ne prétendrai pas savoir ce qu’un 8 – 15 ans d’aujourd’hui a envie de regarder, mais en tout cas il est certain qu’à cet âge là, moi j’aurais adoré ce « Code Lyoko Evolution ».
On se situe clairement dans la même veine que ce que j’ai pu voir de la fiction jeunesse fantastique SF britannique, façon « Sarah Jane Adventures » ou le récent « Wizards vs Aliens » – si ce n’est que, comme pour la fiction de prime-time, la différence de valeur de production est encore manifeste et très largement à l’avantage des anglais. Pas sûr que le budget soit très différent, on manque juste des structures et des personnes chevronnées nécessaires pour mettre vraiment l’argent à l’écran.
Ce problème est lié à un déficit manifeste de volume de production (les anglais produisent trois fois plus d’heures de fiction télé par an que nous). Mais il vient aussi d’un manque général d’ambition : quand on voit les chaînes de la TNT – de TMC à la publique France Ô – donner une prime au cynisme en se tournant vers Jean-Luc Azoulay, champion de la production cheapissime, des « Mystères de l’Amour » à la « Baie des Flamboyants », on ne voit pas d’issue au problème.
Celle-ci est claire : affirmer une ambition d'élitisme populaire, et ne travailler qu’avec des gens déterminés à mettre la meilleure série possible à l’antenne, en s'intéressant à ses mérites créatifs et pas seulement à son taux de rentabilité.
Les trois premiers épisodes de « Code Lyoko Evolution » donnent clairement ce sentiment. Rien que pour cela, l’initiative mérite d’être encouragée.
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(1) Quoi qu’il me semble que Disney Channel offre des productions originales à ses spectateurs.
(2) En tout cas, les épisodes 2 et 3 ont été diffusés dans cette case le 5 janvier, mais il semblerait que la case permanente soit le samedi matin à 9h. Mouais. Dommage.
(3) Inexplicablement, impossible de trouver trace des épisodes du Pluzz, ce qui est impardonnable pour une série visant ce public. Le site officiel de France 4 indique encore « à voir bientôt sur France 4 » alors que la diffusion a commencé le samedi 5 janvier. Allô, y’a quelqu’un au service informatique de France Télévisions ? Conséquence logique : vous n’aurez aucun mal à trouver les trois épisodes déjà diffusés en multiples exemplaires « pirates » sur Dailymotion...
« Code Lyoko Evolution »
Une production Moonscoop pour France 4 et Canal J.
Créé par Thomas Romain et Tania Palumbo.
Directeur d’écriture : David Carayon.
Avec : Léonie Berthonnaud (Aelita), Marin Lafitte (Jérémy), Gulliver Bevernage-Benhadj (Odd), Quentin Mérabet (Ulrich), Mélanie Tran (Yumi), Diego Mestanza (William).