Fierté mal placée? (Lesbian & Gay Pride de Lyon 2006)
La Lesbian & Gay Pride de Lyon 2006 aura été un succès, avec un nombre de participants en hausse par rapport à la difficile édition 2005, et ce malgré la pluie d'orage, tombée en trombe pendant une dizaine de minutes avant d'heureusement s'arrêter. Le succès aura aussi été celui du battage médiatique et de la couverture presse très forte.
Sur ce point, plusieurs facteurs se sont additionnés : l'amélioration de la communication de l'association, le travail - même inabouti - sur son image, la venue annoncée du Maire de Lyon - ce que Collomb n'avait plus fait depuis son élection. Et bien, bien sûr, il y a eu la rumeur Royal. La candidate à la candidature a finalement renoncé à venir à Lyon. Elle nous a donc fait profiter de l'annonce de sa venue sans avoir à subir les inconvénients de sa venue effective.
Pour le reste, je suis loin de l'optimisme béat. Il me semble en effet que la LGP-Lyon n'a que peu avancé sur la question de la fracture béante qui s'installe entre le milieu associatif et, passez-moi l'expression, le pédé et la lesbienne "de base". Certes, le problème n'est absolument pas local. Mais il me semble du coup d'autant plus urgent de chercher à y apporter des réponses. Car, même si la fréquentation de la marche de Paris sert encore de paravent, je reste persuadé que le jour approche à grand pas où l'on lèvera aux associations gay l'objection qu'elles ne représentent guère plus que le nombre anémique de leurs militants, posant donc la question de leur illégitimité grandissante. Et ce jour-là, la réponse sera d'autant plus difficile à apporter que c'est assez vrai, et qu'on aura pas fait grand-chose pour y remédier...
Accompagné de Jean-Michel et Fabrice, ainsi que de Pierrot, descendus pour l'occasion, j'ai fait la Marche en touriste. Début juin, j'ai en effet assez largement pris mes distances avec l'organisation, au lendemain du désengagement injuste et immature de la LGP vis à vis de la soirée Culture @ Life. (Justement la meilleure réponse apportée en quatre ans au problème posé au paragraphe précédent.) La ligne politique, ou peut-être politicienne, dans laquelle la LGP s'est enfoncée à l'approche de la Marche n'a rien arrangé. J'estime qu'une telle association n'a pas à se proclamer de gauche. Il ne me plaît pas de constater qu'elle l'a quasi fait cette année, ce que les journalistes ont parfaitement compris et retranscrit. Et il ne s'agit pas tant d'une question de principe que de celle de l'efficacité de l'association dans ce qui est (devrait être?) son objectif.
Et cet objectif, ce n'est pas de faire élire la gauche en 2007, c'est de militer et de créer les conditions pour rendre possible l'égalité des droits et la fin des discriminations. En donnant du poids politique à la frange la plus conservatrice de la droite (ce qu'elle fait en l'assimilant à la droite toute entière), en occultant ceux qui prennent d'autres positions (au-delà des Historiques que sont un Romero ou une Bachelot, une nouvelle génération pointe et un Ministre a même récemment été très clair!), bref: en radicalisant la droite, l'association court le très fort risque, d'au contraire, créer les conditions d'un débat caricatural, difficile et sanglant. D'un affrontement potentiellement aussi riche en saillies violemment homophobes que celui qui entoura le PaCS. Par ailleurs, elle court aussi celui de faire une croix sur la possibilité d'une avancée dans ces domaines en cas de victoire de la droite en 2007. C'est d'autant plus dommageable qu'il est possible, dans une certaine mesure, de faire l'économie de telles démonstrations violentes. L'avancée des mentalités a été forte et une large majorité est, aujourd'hui, en France, favorable à l'ouverture du mariage aux couples de même sexe.
Mon appréciation de la manifestation aura probablement été teinté par ces irritations sous-jacentes. J'ai plus été frappé par les atteintes au bon goût que par les aspects positifs. Autre chose m'a frappé : le rajeunissement, vraiment très sensible cette année, des participants. J'ignore s'il faut y voir un signe positif pour l'avenir ou en nourrir une vive inquiétude. En tout état de cause, la question de savoir pourquoi les 35+ ne descendent (presque) plus dans la rue pour la Pride reste posée. Et je ne suis sûr que d'une chose : la réponse n'a strictement rien à voir avec la programmation musicale du char de tête...
P.S.: La Fière Semaine, c'est à dire la programmation politico-culturelle qui encadre la Marche, a donné lieu comme prévu à deux représentations de Passer la nuit. J'y reviens dès que j'ai quelques photos.
P.P.S.: Lyonnais-es, ne manquez pas la Nuit du Cinéma Gay et Lesbien jeudi soir.