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15 Jan

France Télévisions: passer de la rediffusion à la stratégie de multidiffusion

Publié par Sullivan Le Postec  - Catégories :  #France Télévisions, #France 4, #France 2, #PAF, #Article, #Télévision, #Séries

Rediffusés lundi 14 janvier 2013 sur France 4, les deux premiers épisodes des «Hommes de l’Ombre», série politique ayant remporté un grand – et un peu surprenant – succès il y a moins d'un an lors de sa diffusion sur France 2, se sont contentés d’une audience famélique de 195.000 téléspectateurs, soit 0,7% de part de marché. Clairement, les téléspectateurs sanctionnent la rediffusion de fiction française. Pourtant, programmée différemment, elle pourrait devenir un véritable service rendu, au lieu d’être perçue uniquement comme un moyen de faire des économies sur le dos des téléspectateurs.

À coté de ces chiffres, on a le sentiment que les rediffusions des séries Canal par D8, dont je parlais il y a peu, s’en sortent finalement très bien. Évidemment, les logiques sont totalement différentes lorsque l’on parle de programmes dont la première diffusion s’est déjà faite en clair. Si D8 peine déjà à rendre les Créations Originales de Canal datant de quelques années fraîches et attrayantes, quel espoir pour les séries France Télé, même si elles datent seulement de l’an passé ?

Il fut un temps, pas si lointain, où les rediffusions d’épisodes d’une série française pouvaient réaliser exactement la même audience qu’un inédit. C’était le temps des héros-citoyens et du 90mn, le temps où la plupart des français n’avaient accès qu’à six chaînes et où triomphait la fiction-pantoufle. Une époque révolue. Néanmoins, il reste très souhaitable de parvenir à programmer une seconde fenêtre de diffusion pour la fiction originale, de loin de le programme le plus cher des chaînes françaises, sans pour autant se prendre un gadin à l’audimat. France 4 hier ne sauve l’honneur qu’en parvenant de justesse à devancer Gulli pour ne pas être dernière de la TNT.

Dans un paysage à 25 chaînes, on ne peut plus envisager la rediffusion de la même façon. Surtout que les téléspectateurs l’ont prise en grippe, estimant à juste titre que les nouvelles chaînes de la TNT ne sont que des robinets à redif’ qui n’apportent quasi pas de service supplémentaire.

Je n’ai pas grand-chose de positif à dire sur le mandant de Patrick de Carolis et Patrice Duhamel à la tête de France Télévisions. Mais, ironiquement, le principal élément positif dont je les créditerais à été largement supprimé par leur successeur Rémy Pflimlin : c’était la mise en place d’une vraie logique de groupe, avec la création de passerelles entre les chaînes. Le format marche extrêmement bien chaque année pendant le tour de France ou Roland-Garros, ou pour les Jeux Olympiques. Mais hors-sport, il est interdit. Même quand c’est particulièrement justifié (du coté programme de flux, je pense notamment à la fenêtre d’exposition de Taratata sur France 4, supprimée en dépit du bon sens).

Il y a une logique à ce que les chaînes privées ne se soient pas réellement emparées des synergies de groupe. M6 et tout particulièrement TF1 sont allés dans la TNT à reculons. En Grande-Bretagne, la chaîne privée ITV1 a lancé ITV2 et ITV3. TF1 ne s’est pas déclinée en TF2 ou 3, et pour cause : elle savait pertinemment que les chaînes qu’elle lançait sur la TNT étaient de mauvaise qualité. Elle n’a pas investi dans leurs programmes et elle ne voulait pas ternir sa marque.

Mais France Télévisions n’a aucune raison d’agir de même. Surtout quand France 4 est la chaîne TNT préférée des français. Décider qu’il faut circonscrire animateurs et émissions à une chaîne, comme l’a fait Pflimlin, est contre-productif, et le signe patent d’un échec : l’incapacité à rendre les différentes chaînes de France Télévisions singulières via une ligne éditoriale claire, et une stratégie définie. L’âge moyen des téléspectateurs de France 2, France 3 et France 5 est respectivement de 57, 58 et 57 ans. Un signe parmi d’autres que ces trois chaînes ont désormais la même audience, plus du tout différenciée. Si l’identité de France 2 c’est Laurent Ruquier et Michel Drucker, et celle de France 3 Mireille Dumas et Laurent Boyer, alors autant dire que ces chaînes n’ont pas d’identité (surtout que rien n’empêche n’importe quel animateur de partir sur une chaîne privée concurrente). Même France 4 peine finalement à s’orienter clairement vers la cible 15-35 (à cet égard, les pitchs connus des projets de séries de prime-time en développement sont décevants -- il y a même un projet sur une bande d'amis quarantenaires!).

Revenons à la fiction et aux rediffusions. Que peut apporter la mise en place d’une véritable stratégie de groupe ? Tout simplement en faire un véritable service rendu aux téléspectateurs.
Plutôt que de reprogrammer «Les Hommes de l’Ombre» 11 mois plus tard sur France 4, il aurait fallu proposer ces épisodes en même temps. Autrement dit, passer de la simple rediffusion à la stratégie de multidiffusion. En pratique, les deux épisodes inédits proposés le mercredi soir sur France 2 pourraient être proposés le lundi ou le mardi soir sur France 4, juste avant les deux nouveaux épisodes inédits. Il serait assez facile de proposer une case hebdomadaire de multidiffusion de fiction sur France 4, en choisissant laquelle des quatre soirées de fiction France 2 et France 3 est la plus légitime en seconde fenêtre sur la TNT. Parce qu’évidemment, ce qui fait sens pour «Les Hommes de l’Ombre», «Fais Pas Ci, Fais Pas Ça», «Un Village Français», ou pour «Clash» n’en aurait pas pour «Louis La Brocante».

Je n’invente rien, évidemment. Ce modèle est courant à l’étranger, pas plus loin que de l’autre coté de la Manche. Et on voit bien quels effets bénéfiques peut avoir un tel système, notamment pour programmer des séries plus feuilletonnantes que les spectateurs sont tentés d’arrêter s’ils ratent une soirée de diffusion. Une fois pour toute, plutôt que de se couler dans les moules archaïques et figés des chaînes privées françaises, France Télévisions doit retrouver l’objectif d’évoluer et de faire progresser le média dans son ensemble. Ce n’est bien évidemment pas par le conservatisme qu’elle peut espérer reprendre l’ascendant, mais bien en retrouvant le chemin de l’innovation, que ce soit dans la création ou la programmation.

France Télévisions: passer de la rediffusion à la stratégie de multidiffusion

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Pour les quelques téléspectateurs qui suivent «Les Hommes de l’Ombre» sur France 4, le web-documentaire que j’ai réalisé sur les coulisses de la série pour Le Village est toujours en ligne : Grand Format – Lumière sur Les Hommes de l’Ombre.

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