Gillian aux commandes ! (Spirit Magazine)
Voici un article que j'ai écrit en 2000, publié dans Spirit Magazine par le truchement du GSC.
Spirit n°?? - été 2000
La nouvelle, un peu surprenante, est tombée aux alentours de janvier dernier: Gillian Anderson allait écrire et réaliser un épisode de la saison 7 de X-Files. Il y a quelques saisons, elle avait déclaré peu probable qu'elle écrive un épisode, puis elle avait peu à peu changé d'avis. Mais personne ne s'attendait à ce qu'elle le réalise!
Quoi qu'il en soit, après le chef d’œuvre livré par David Duchovny l'année dernière (The Unnatural / Le Grand Jour), les fans attendaient l'épisode avec impatience. Le moins que l'on puisse dire c'est que le résultat, intitulé "all things" (Existence en VF) ne donne aucune raison d'être déçu!
Gillian a expliqué que l'inspiration d'origine de l'épisode lui est simplement venue de deux images. Le reste venant "apparemment de nulle part"! Elle a également été marquée par le film "Magnolia" et cette influence se ressent dans la façon dont l'épisode est rythmé et dans le traitement des coïncidences, qui sont le point de départ de cette intrigue.
"Je me suis assise un soir, explique-t-elle, et j'ai écrit le synopsis complet de l'épisode. Ensuite j'ai écrit les trois premiers actes [NDLR: un épisode en contient quatre] sur une période de cinq mois. Et j'ai continué à y travailler jusqu'au tournage."
Frank Spotnitz, puis Chris Carter, ont aidé Gillian dans le développement de l'épisode: ordre ou ton des scènes, etc. Chris Carter a également pris en charge l'écriture de la toute dernière scène. Ils se l'étaient gardé pour le dernier moment et Gillian, en pleine préparation du tournage, n'avait plus le temps nécessaire à y consacrer. Cette dernière scène, couplée au pré-générique, se révèle d'une importance capitale pour la série, même si on n'en prendra pleinement conscience que plus tard...
L'intrigue est centré sur le personnage de Scully: une rencontre fortuite avec un ancien amant, alors qu'elle traverse une passe difficile dans sa relation avec Mulder, va la forcer à faire un retour sur elle-même et à s'interroger sur les décisions qui l'ont poussée à abandonner la médecine pour rejoindre le FBI...
L'intérêt d'all things est aussi qu'il nous révèle qui est profondément Scully en la plongeant dans un monde radicalement différent du sien, qui n'est autre que celui-là même dans lequel évolue Gillian Anderson. Elle utilise ce scénario pour faire passer quelques idées qui lui tiennent à cœur: le bouddhisme, ou encore un message de tolérance en direction de la communauté homosexuelle représentée ici comme Gillian la voit, c'est à dire des gens on ne peut plus normaux et qui assument leur choix. Le lien avec la thématique de l'épisode est évident.
Gillian avoue que c'est dans la réalisation qu'elle a pris le plus de plaisir. L'une des principales difficultés venait de l'importance de son propre rôle dans l'épisode. "C'était une erreur, avoue-t-elle en riant. C'était difficile d'autant diviser mon attention, et je n'avais pas pensé à cela autant que j'aurais du. Le challenge se trouvait également dans le fait de devoir rester présente dans une scène où je jouais, tout en étant suffisamment à l'extérieur pour pouvoir donner les indications aux autres acteurs comme un metteur en scène le fait." La tâche a du être d'autant plus dure que Gillian a fait usage dans all things d'une réalisation extrêmement stylisée et complexe, qui offre à chaque instant un formidable spectacle visuel. Un leitmotiv est constant: un tempo donné par toutes sortes d'objets au cours de l'épisode, qui font écho aux battements du coeur défaillant de Daniel, son ancien amant. Gillian s'autorise quelques plans magnifiques, et utilise beaucoup les ralentis, donnant une impression de dilatation du temps alors que le personnage fait une pause dans sa vie et s'interroge sur ses choix passés, présents et futurs. Le produit fini est tout simplement d'une beauté inoubliable.
"J'ai énormément apprécié [d'écrire et de réaliser], conclut Gillian, ce fut une expérience d'apprentissage incroyable pour moi. Cela a été un moyen de réaliser à quel point la tâche est dure pour les scénaristes et les réalisateurs. J'ai la sensation d'avoir tant appris dans ce processus, du début à la fin."
Sullivan Le Postec