Le site de Sullivan Le Postec, scénariste et réalisateur, créateur de la série Les Engagés.

24 Jul

Mon petit journal des UEEH

Publié par Sullivan Le Postec  - Catégories :  #Aides, #Militantisme, #Homosexualité, #Un Nouvel été

Mon petit journal des UEEH

UEEQuoi ? Les Universités d’Été Euro-méditerranéennes des Homosexualités ont vu le jour en 1979 et, après diverses interruptions, notamment entre 1987 et 1999, atteignent en 2006 leur 12ème édition.

Ayant fraîchement intégré AIDES pour un poste de Délégué d’Action en charge de la prévention en direction du public gay, l’association qui m’emploie a vu dans cet événement auquel elle participe chaque année l’occasion pour moi de mieux m’intégrer en faisant connaissance avec les hommes et femmes qui la composent, ses actions, son éthique, sa politique... Voici le journal de bord d’une longue semaine entre réflexions, ateliers, et convivialité jusqu’à des heures avancées.

Mon petit journal des UEEH... Jour 1 : lundi 17 juillet

Welcome

La tête en vrac pour n’avoir dormi que quatre heures (vu que j’ai employé ma soirée de dimanche à des activités hautement intellectuelles comme chatter sur internet pendant des heures), et mon train partant de Lyon à 12h07, je suis naturellement arrivé à la gare à 12h12. Refrénant ma tentation de taper un scandale pour ne pas avoir été attendu, je consulte le tableau des départs et découvre que le prochain est à 12h41. J’ai donc juste ce qu’il faut de temps pour acheter une carte de téléphone pour pouvoir prévenir de mon retard, et pour échanger mon billet dans une de ces machines spécialement conçues pour les gens qui arrivent toujours en retard. Moi, donc. D’ailleurs, je ne m’en cache pas, ça me touche que la SNCF ait mobilisé des ingénieurs spécialement pour moi ! Je prends l’escalator pour le quai, qui m’amène pile à la hauteur de la voiture dans laquelle j’embarque. Sûrement pour s’excuser que le précédent train ne m’ait pas attendu, me dis-je. Excuses non acceptées puisque le train de 12h41 aura le culot de partir avec près d’un quart d’heure de retard. Une heure et demie de voyage plus tard, passée à mater l’hétéro très sexy assis en face de moi (en essayant d’oublier un fait tue-l’amour au possible : le jeune homme écoutait du Roch Voisine sur son iPod – malheureusement véridique), j’arrive à Marseille St Charles, que je ne connais que par les scènes-déchirantes-de-séparation-sur-un-quai-de-gare que j’ai vues dans « Plus Belle la Vie ».

Patrick m’y attends et m’amène au local d’AIDES où nous rassemblons la doc pour le stand de cette semaine en attendant que les autres non-Marseillais, Gwenn, Thierry et Ludovic, soient amenés à nous par Gabriel, du siège, qui gère le groupe pour la semaine, avec quasiment autant d’efficacité qu’Anthime il y a quelques années, sauvant le monde trois ou quatre fois par jour au Festival des Séries de Mâcon.

Ensuite, cap sur le campus de Luminy, où résident l’année des étudiants des Beaux-Arts ainsi que ceux d’une école d’architecture au directeur homophobe dont on apprendra qu’il empoisonne autant qu’il le peut la vie des organisateurs. Si les bâtiments et les chambres d’étudiants sont classiques (comprendre : ressemblent à un empilement de casier à rendre dépressive Denise Fabre), le cadre est superbe et donnerai presque envie de s’y remettre et d’étudier là-bas ! On commence par un apéro, avant de mettre en place le stand et de se faire une première petite réunion entre nous pour commencer à se répartir les tâches de la semaine à venir et des groupes de parole et débats qu’AIDES organise au sein de ces Universités.

Puis dîner – du moins pour les autres, moi je me suis contenté de les regarder manger, n’ayant absolument pas faim (c’est toujours ça de pris pour la ligne) et direction la Réunion Générale introductive à 21h et quelques, une assez interminable présentation du programme ô combien chargé de la semaine à venir. Dans les détails pratiques on nous explique aussi que le gardien qui surveille l’entrée du site doit effectuer des rondes le soir, notamment à l’insistance du directeur de l’école d’architecture précité. Du coup, impossible de regagner les chambres entre 22 et 23h, entre 00h30 et 01h30, et entre 2h et 3h. Pratique. :-)

A la sortie de la réunion, le premier dilemme se pose d’ailleurs tout de suite puisque nous sommes fatigués et qu’il est 23h25. Boire un verre suppose donc de rester une heure à la buvette, avec le risque qu’un verre en entraînant l’autre... De manière sans doute un peu imprévisible, Gwenn, Ludovic et moi-même décidons d’être raisonnables et de rentrer nous coucher. Décision stratégique, les amis : comment se débaucher une semaine entière si vous vous ruinez de fatigue le premier soir, hein ?

Mon petit journal des UEEH... Jour 2 : mardi 18 juillet

Les choses sérieuses commencent

Le réveil sonne à 8h40. La première vraie journée commence. Hier soir, nous nous sommes donnés rendez-vous avec Gwen et Ludovic à 9h15 dans le hall de l’étage pour aller prendre le petit dej’. Ils frapperont à ma porte à 9h17 pour me trouver en train de nouer mes lacets, presque prêt à l’heure. Je ne crois pas qu’ils aient très bien réalisé le miracle qu’ils venaient de vivre !...

Je découvre le monde étrange qui va être le miens une semaine durant. Cet espace de liberté, parfois de n’importe quoi (mais ici, le n’importe quoi, « c’est politique »), cette bulle hors de l’espace et du temps ou s’effacent les frontières du genre et bon nombre d’habituelles conventions. Ici, quelqu'un qui porte une robe est sûrement un garçon, ou pas, on organise quatre réunions pour organiser comme il se doit une sex party, on prend garde à féminiser son vocabulaire sous peine de se prendre un mérité coup de pied au derrière. Bien sûr, on pourra au choix objecter que le cadre a quelque chose de fondamentalement artificiel, s’interroger sur le rapport que ce radicalisme là entretient avec la réalité, regretter qu’une fois encore, nous nous trouvions en un lieu ou les militants ne parlent qu’à d’autres militants. Et encore ici ne retrouve-t-on surtout que les plus radicaux d’entre eux. Pendant cette semaine aux UEEH, on saccagera ainsi le stand des Verts, probablement vus par certains sur ce très particulier coin de planète comme d’odieux réformistes trop bourgeois pour faire la révolution. Je viens ici avec AIDES, sans l’avoir nécessairement voulu, je porterai ce stigmate du réformisme, si pâle vis-à-vis des radicales Act-upiennes. Je crois que je l’assume très bien.

A 10h, les choses sérieuses commencent avec un premier atelier : « le communautarisme LGBT », animé par Jean-Louis Christian Castellani, et qui réunit dans la salle « Monique Wittig » une trentaine de personnes. Après une partie introductive servant à présenter concepts et définitions, un débat s’amorce, passionnant. On y interroge avec beaucoup d’acuité et d’affrontement de points de vue argumentés l’existence et l’état actuel la communauté, de ses revendications, de la nature de l’opposition qu’elle rencontre et de ce autour de quoi ce concept flou de communautarisme s’achoppe. Concept flou (le mot n’existe d’ailleurs pas dans les dictionnaires) parce que c’est sa fonction : il prend n’importe qu’elle forme que son employeur voudra lui donner pour lui permettre en toute occasion de délégitimer, de disqualifier les revendications d’une communauté qui lutte depuis de nombreuses années avant même l’égalité des droits simplement pour le respect. Tout ceci dans un contexte français marqué par la logique Républicaine qui confond assimilation et intégration, né notamment des excès de la IIIème République.
Parce qu’après tout, ce serait quoi, un comportement communautariste ? Nous aimer (et donc fréquenter des lieux où l’on peut se rencontrer) ? Défendre nos intérêts ? Lutter contre le Sida ? Nous comporter en public exactement comme des hétéros ?
On constate d’ailleurs que l’attaque de communautarisme, si elle est bien loin d’être utilisée uniquement contre les LGBT, n’est en revanche jamais avancée contre les communautés folkloriques. Personne ne reproche aux Auvergnats de Paris de se rencontrer. Cette attaque vient comme une réponse d’une part à la revendication socio-politique, et d’autre part à la visibilité. Et révèle cette bataille (de la visibilité) comme non encore gagnée.

De là, les débats se sont par la suite naturellement portés sur ce qui fait la communauté LGBT (Lesbienne, Gay, Bi, Trans), et ses combats. A propos de « LGBT »... Comme une participante des débats l’a joliment dit, cet assemblage hétéroclite ne tient-il pas de la fiction politique ? C’est-à-dire d’une alliance née d’une construction intellectuelle revendicative plus que d’un véritable partage des parcours et des vécus ? Car y a-t-il tant qui, dans la réalité concrète de leur vie quotidienne, relie réellement unE Trans, un pédé, une lesbienne ?

Sur ces bases, un affrontement vieux comme le monde s’est exprimé : devons-nous mener un combat réformiste ou révolutionnaire ? Le courant de revendication égalitariste, actuellement ultra-majoritaire, au moins dans la parole médiatique des homosexualités, est-il une soumission à la norme hétérocratique ? Ou réussira-t-on, par ce truchement, à dynamiter ces normes de l’intérieur ? En tout état de cause, et alors qu’on se dirige vers l’ouverture prochaine du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe (quoi que, bien sûr, une victoire de la droite en 2007 pourrait signifier cinq nouvelles années de sur-place), il ne me semble pas faire de doute que cette question de la norme et de notre rapport à celle-ci sera l’une des questions centrale des LGBT dans les prochaines années, tant en terme de revendications que de débats internes. Car la fracture de plus en plus béante qui s’installe dans la communauté, même si elle ne l’exprime pas toujours ainsi, me semble bien reposer toute entière sur ce rapport à la norme. Entre ceux qui veulent à tout prix « être normaux » et ceux dont le combat est principalement de faire exploser la normalité et sa pression sociale, un terrain d’entente sera bien difficile à trouver. Moins, d’ailleurs, parce qu’il n’existe pas que parce que les uns et les autres n’ont plus, depuis longtemps, l’envie de s’écouter.

-> Pour cet atelier, le prix du mec le plus sexy attribué au jeune homme en débardeur blanc...

A 14h, nous nous retrouvons pour un atelier bien plus intimiste, puisqu’un peu particulier. Autour de Unglee, nous sommes trois à parler scénario. Deux autres séances suivront dans la semaine. Le parcours de chacun, puis une discussion générale sur le scénario – quels enjeux, quels moyens, notamment pour capter son public, installer ses personnages, donner du sens – occupera une grande partie de l’atelier, avant qu’on décide que chacun des trois participants va travailler sur quelque chose de personnel. L’un de nous, Philippe, est arrivé avec quelque chose de précis en tête. Pour Julien et moi, ce n’est pas le cas. On décide de mettre chacun au point un petit quelque chose qu’on essaiera de filmer sur place avec les moyens du bord. Tout en discutant, une idée me vient en tête, qui me séduit vite. Je décide que c’est ce sur quoi je vais travailler. Il me reste à en préciser les contours avant la séance de demain...

A 17h, atelier de AIDES. L’associations organise un groupe de parole : « sexualité, plaisir et prévention ». La discussion est structurée autour d’un jeu de la ligne, un outil que je ne connais pas encore et qui me pousse à participer à l’atelier en tant que M. Tout-le-monde. Il s’agit de rassembler les participants au milieu et de leur lire une phrase, forcément ambiguë. Chacun doit alors de déplacer à droite ou à gauche selon qu’il est d’accord ou non avec ce qui a été exposé. Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses, elles sont juste l’expression d’une individualité, d’une sensibilité, d’un point de vue forcément personnel, elles servent donc à articuler ces idées et ressentis pour favoriser l’expression.
L’atelier s’est très bien déroulé et a réellement permis de soulever des questions éminemment intéressantes posées aujourd’hui, en 2006, par la prévention.
Le prix du mec le plus sexy de l’atelier est attribué au jeune homme en polo bleu ciel, qui dès cette première journée de travail prend résolument l’avantage pour le grand prix de la semaine !

Soirée tranquille au patio. Trop chaud dans l’amphi pour rester au concert de Nicolas Bacchus plus de cinq minutes, j’ai donc préféré boire quelques verres dans la brise du soir. Quelques discussion intéressantes, quelques moments agréables dans une ambiance assez calme. Cette impression qui s’installe d’être en vacances sur un autre monde. D’y être peut-être déjà depuis longtemps. De ne plus trop savoir, de ne pas vouloir se rappeler... Je rentre me coucher vers 2 ou 3 heures, je ne sais déjà plus très bien. Je m’endors devant un divx.

Mon petit journal des UEEH... Jour 3 : mercredi 19 juillet

La plage

Troisième jour de travail et je saute déjà la case petit déjeuner pour pouvoir grappiller quelques minutes de sommeil. Je me tire du lit péniblement à 9h50. J’arrive à l’atelier de 10h00 comme une fleur à 10h10. Tout va bien, je ne serai pas le dernier arrivé !
Il s’agit d’un atelier « théâtre et homosexualité » auquel nous sommes une dizaine à assister. Après quelques exercices d’échauffement, nous nous divisons en groupe pour faire trois impros. Je joue dans celle ou un couple gay visitant un appartement se heurte à l’homophobie du logeur. J’apporte quelques idées sur le déroulement de l’impro mais pour le jeu en lui-même, je vais m’avérer particulièrement inexistant. Après ça, nous lisons quelques extraits de pièces/films en lien avec la thématique LGBT, en vue d’en travailler quelques unes. Je lis un extrait de « Peter’s friends », que je ne connaissais pas. Je joue Peter, un homme qui revient dans sa famille après des années à Paris, leur révéler à la fois son homosexualité et sa séropositivité. Dans la scène extraite, Peter est confrontée aux avances très insistantes d’une amie d’enfance restée très amoureuse de lui.
Prix du mec le plus sexy de l’atelier pour Olivier. Le genre de mec que vous avez tout de suite envie de mettre devant une caméra. Ce qui tombe d’ailleurs plutôt bien... Je pense tout de suite à lui pour l’un des deux rôle du court de l’atelier scénario.

La réunion quotidienne d’AIDES de midi permet de débriefer les ressentis de l’atelier de la veille et de préparer celui de l’après-midi, qui s’intitule « autogérons nos IST ». On décide aussi de s’extraire ce soir de la malbouffe du self pour rejoindre Marseille et se faire un pique-nique sur la plage.

Reprise à 14 heures avec le second atelier sur le scénario. J’expose l’idée qui m’est venue la veille et sur laquelle j’ai un peu réfléchi sans avoir le temps pour autant de coucher quelque chose sur le papier. Elle a dérivé des conditions et du support de filmage : les moyens du bord, i.e. un appareil photo avec option caméra ou un portable.
Le film s’ouvre sur des images d’un homme, filmé par un autre. L’homme sourit, est mis en valeur, est beau. On coupe, entamant un mouvement de va et viens entre ces deux images, pour montrer un couple qui regarde ces images. L’un d’eux est celui qui filmait cette vidéo. L’autre est son amant aujourd’hui. Il dit que les images sont belles. Qu’il devait vraiment aimer celui qu’il filmait. L’autre lui répond que la vérité, c’est qu’il a filmé ces images le jour où il l’a quitté. Surprise. En fait, il avait découvert sa séropositivité. L’autre ne l’était pas. Il avait trop peur, ne pouvait pas assumer ça. Il a filmé ces images, et il a parti. Il ne lui a jamais parlé, jamais dit pourquoi. Il dit qu’il s’est laissé submerger par la crainte et la lâcheté. L’autre le prend alors dans ses bras et lui dit qu’aujourd’hui ils sont ensemble, qu’il l’assume, que les choses changent. « J’espère, » répond-il en fermant les yeux...

Au cours de la discussion, je conviens assez vite que le concept est trop compliqué pour les moyens dont je vais disposer. Il va donc falloir simplifier cette base, ne garder qu’une situation et deux acteurs, en supprimant le film dans le film. Deux possibilités existent : tout ramener vers le passé, vers la rupture du premier couple, ou se concentrer sur le nouveau.

L’histoire que je veux raconter est celle d’un homme reconstruit qui jette un œil vers son passé plus que celle d’un effondrement. Je décide donc de me diriger vers la seconde possibilité...

A l’issue de l’atelier, je profite de n’avoir rien de programmé pour la fin d’après-midi pour flâner un peu, squatter une demi-heure le mini cyber-café de la cafète, visiter un peu mieux le campus en pensant au film, à la recherche aussi d’un lieu de tournage. Je m’allonge trois quarts d’heure sous le soleil dans le patio. Le garçon au polo bleu ciel a changé de polo, mais il est toujours aussi so charming.

C’est à 19h30 que nous nous mettons en route pour la plage. Gwenn, Hugo et Patrick ont fait de très copieuses courses l’après-midi. Début de soirée doux et confortable. Un petit regret de ne pas se baigner. Il parait que les égouts se déversent pas loin. En tout état de cause, la caillasse qui remplace le sable dès qu’on atteint la mer n’a rien d’agréable. On ira aux calanques un peu plus tard dans la semaine.

De retour sur le Campus de Luminy, on profite de la soirée Middle Gender, une asso festive lyonnaise inspirée du concept parisien des popingays qui programme un son «pop-rock indé avec une pointe raffinée d’électro». Soirée plus agitée, sur la piste de danse et ailleurs. Que je finis sur les marches du bâtiment des chambres pour redescendre doucement en discutant – ou en écoutant plutôt discuter un JC et deux actupiennes sympathiques. ;-)

Je monte dans ma chambre un peu après quatre heures. Je passe quelques minutes à lire le texte de « Peter’s friends » pour commencer à le mémoriser. La fin de la soirée de Middle Gender marquera le début du grand raffut dans le couloir. On frappe à ma porte, et à d’autres ensuite, à la recherche d’un cubit de rouge qui n’y est bien sûr pas. Ceux qui dorment n’ont plus qu’à espérer se rendormir !... :-)

Je vais finalement me coucher moi-même. Il est quasiment cinq heures. Je suis content d’avoir le sommeil lourd et imperturbable. Je n’ai pas d’atelier prévu le lendemain matin et rien ne m’attire spécialement sur le programme. Je pourrai donc m’accorder une grasse matinée bienvenue...

Mon petit journal des UEEH... Jour 4 : jeudi 20 juillet

Être esclave, je sais ce que c’est !

La journée de jeudi commence donc par notre réunion quotidienne AIDES de midi.
L’atelier groupe de parole de la veille sur les IST a super bien marché : les vécus des participants ont permis de parcourir le « catalogue » des IST et d’évoquer des trucs pratiques pour gérer la chose en matière de détection ou de traitement. L’atelier de cet après-midi, du fait de la demande qui a émergé lors de celui de mardi, sera centré sur la notion de plaisir, avec notamment en tête les fantasmes autour des fluides corporels qui ont émergés mardi (la running-joke de la semaine tournera d’ailleurs autour de l’idée de piscine de sperme. So chic !). L’atelier s’intitule finalement, après pas mal de possibilités envisagées « plaisir de jouir, jouir de plaisir ».

On prépare aussi l’atelier-débat de demain matin, autour de la santé gay. Jean-Louis, au téléphone, a suggéré de recourir à un métaplan comme méthode d’animation. Je pourrai vous expliquer ce que c’est, mais j’ai la flemme et ça me donne l’air très intelligent, alors j’en profite. Enfin, on discute aussi de l’implication possible de AIDES dans la « play party » qui va s’organiser samedi soir. Rigolo que le seul nom buccolique de la semaine serve à désigner la partouze. Il semble que l’attente concerne d’abord et avant tout l’apport de matériel.

Je zappe les ateliers de 14h pour travailler de mon coté à l’écriture du scénario du cours-métrage pour l’atelier scénario.

C’est vers l’atelier théâtre que je me dirige à 17 heures. Même organisation que la veille. Cette fois-ci, je m’éclate beaucoup plus sur l’impro. La scène raconte la rencontre de deux « copines » comédiens à une audition, ce qui les place évidemment en concurrence. L’occasion de se déchaîner en perfidies folasses ! J’aurais, dans le feu de l’action, cette réplique délirante face à mon partenaire m’expliquant que seul lui, un noir, peut jouer ce rôle ayant le poids de l’esclavage sur ses épaules : « Tu sais chéri, j’adore le SM alors moi, être esclave, je sais ce que c’est ! ». On revient ensuite sur l’extrait de « Peter’s friends », qu’on a plus ou moins consciemment chacun choisi avec Philippe de pousser dans ses retranchements comiques. Nos instructions pour le lendemain sont de travailler à présenter une version intimiste-dramatique. Je décide au passage de proposer le deuxième rôle du court à Djémil, qui possède les qualités nécessaires.

Soirée Popingays au patio. J’en profite pour aborder Djémil à propos du film. Il accepte tout de suite. Je discute un moment avec lui avant qu’il ne s’éclipse pour Marseille. Je ne laisserai moi-même pas trop la soirée s’étirer cette fois-ci, et je rentre bien sagement à 1 heure histoire de ressembler à quelque chose pour la prochaine session de l’atelier théâtre demain à 10 heures.

Mon petit journal des UEEH... Jour 5 : vendredi 21juillet

Unplugged

Je ne m’attarderai pas trop sur notre impro du jour, dans l’atelier théâtre de 10 heures : on s’est plantés dans le scénario et on s’est lamentablement gauffrés au milieu. On présente par contre la version ‘cinéma de minuit sur Arte’ de la scène de « Peter’s friends ». Ce après quoi on nous demande d’ailleurs d’en rajouter dans les versions : une ‘tragédie Grecque’, et l’autre ‘Bristish polissé’... Après Djémil hier, je recrute Olivier, qui accepte aussi tout de suite. J’ai donc mon casting idéal, et je suis content :-).

Après un depressing lapin-blé au RU, direction l’atelier scénario où je présente le script que j’ai écrit, intitulé en l’état « La photo ». Je change le titre, effectivement peu intéressant, pour « Je suis parti », entre autres aménagements mineurs. Le tournage est prévu ce soir à 19 heures. A la fin de l’atelier, je passe un peu de temps à réfléchir à la manière dont je vais filmer le scénario et à apprendre à maîtriser l’appareil photo que Julien, de l’atelier, m’a prêté.

On se retrouve ensuite avec Olivier et Djémil vers 19h15 et on se dirige vers le quatrième patio pour le tournage de « Je suis parti ». Je reviendrai sur tout ça plus longuement dans un billet dédié au sujet. Toujours est-il qu’on y passe quasiment deux heures et que le RU est déjà fermé quand on y arrive. On grappille donc avec Djémil dans les restes du pique-nique de mercredi, avant de mettre cap vers PLUG, « la soirée Transpédégouine anticapitaliste de Paris » qui fait son show aux UEEH. On est vendredi soir, pas mal de nouvelles têtes sont arrivées et le Patio est plus rempli que ces derniers jours. Pour la première fois, le jeune homme au polo a passé un T-shirt. Ça n’enlève rien à son potentiel de sexytude. Je ne m’y attarde pas trop, à vrai dire. Je passe la soirée à scotcher sur un mec qui ressemble beaucoup à ex-C (oui, je repique la bien pratique formulation de la Diva Sous Pression), avec une dizaine d’années de plus. Je crois qu’être ici, dans cette bulle un peu décalée, remue un peu des choses chez moi, me pose des questions sur qui je suis versus qui je voudrais être. En fait, je ne sais pas trop pourquoi ça remonte ici et maintenant, mais ça me saoule de rester bloqué sur quelque chose qui s’est terminé il y a un an et demi. Je me demande si on est condamné à toujours regretter les choses qu’on a cassées par pure connerie, et à en souffrir. Je pars assez vite vers ma chambre, mais je mettrai longtemps à m’endormir.

Mon petit journal des UEEH... Jour 6 : samedi 22 juillet

Histoire sans paroles

J’ai finalement profité de la fin du samedi après-midi pour aller jusqu’aux Calanques goûter quelque peu à la Méditerranée.

Mon petit journal des UEEH... Jour 7 : dimanche 23 juillet

En attendant la fin

A 10 heures, enfin 10h20 – on croirait qu’ici tout le monde a le même sens de la ponctualité que moi – on sonne le coup d’envoi de l'Assemblée Générale. Je réalise alors qu’en fait, mon inscription aux UEEH, faite par AIDES, vaut adhésion à l’association (encore une, aux RG il va bientôt leur falloir une armoire pour mon dossier) et me donne donc le droit de vote.

En pratique, l’AG sera l’une des plus inintéressantes et fermée au débat qu’il m’aura été donné l’occasion de voir. Je trouve décidément alarmante cette tendance de l’ensemble de la communauté LGBT à se replier en sous-chapelles qui tendent de plus en plus à refuser de s’écouter les unes les autres. On en reparlera, par la force des choses, ce soir.
En attendant, direction le RU pour un repas rehaussé par la présence non loin du jeune homme au polo bleu ciel qui, comme pour boucler la boucle, a retrouvé son polo bleu ciel du début de semaine. Sauf qu’aujourd’hui, il a aussi des lunettes. Bref.

A 14h, je devais initialement suivre le dernier atelier scénario, mais Unglee me prévient pendant le repas qu’il va lui-même assister à un autre atelier et qu’il souhaite reporter le visionnage de mes rushes à ce soir. Je remets donc mon nez dans le programme et sélectionne un autre atelier sur les lieux identitaires gay (« un bar dans le Marais ou un village en province ? », sauf qu’après 40 minutes d’attente, il apparaît que cet atelier lui-même a été ‘‘reporté’’ pour que son animateur participe à un autre. Bref, du coup entre 14 et 16 heures, j’ai rien fait, mais c’est pas de ma faute !

A 17 heures, direction la dernière session de l’atelier théâtre, où je me singularisai par mon manque d’énergie et de suite dans les idées. La fatigue est bien présente, et la courte nuit n’a rien arrangé. Malgré tout j’aurais l’occasion de m’amuser un peu au cours d’un impro où, passant un entretien d’embauche, je décide de menacer l’employeur de révéler que nous avons couché ensemble – et donc de l’ « outer » pour avoir le poste. De même, la lecture d’une scène de « Adam, Eve et le troisième sexe » de Boris Vian nous déridera collectivement.

J’ai donc finalement montré mes rushes de vendredi à Unglee, ainsi qu’à mes collègues de AIDES, vers 19h30. Unglee a eu l’air d’être agréablement surpris par le résultat. Je suis, toute proportions gardées (il s’agit d’un court qui est allé de l’idée au tournage en quatre jours, et filmé avec un appareil photo), assez content moi-même, malgré deux grosses bourdes de réalisation (là aussi, j’y reviendrai).

Autre passage au RU – et à nouveau quelques minutes passées à parler du jeune homme au polo bleu ciel qui a revêtu un t-shirt vert fluo, presque trop coloré pour lui et son style que d’aucuns trouveraient peut-être propre sur lui (mais ce n’est là que prélude à ce qui va venir plus tard !). On me confirme qu’il est de H&S (Homosexualité & Socialisme) : je savais qu’il y avait une bonne raison de voter Ségolène l’année prochaine ! D’ailleurs, un de ces collègues d’H&S tentera plus tard de me convaincre d’enfin voir la lumière et de directement voter PS au premier tour...

Cap ensuite vers l’école des beaux-arts. Je fais un arrêt pour assister à la fin de l’envoûtant spectacle de Monsieur K. Puis je mets cap sur le patio, pour une nouvelle soirée, la dernière, et ce qui commence presque à tenir de la routine. Une routine interrompue soudain par une prise de parole au micro.

Petit retour en arrière : lors de l’installation en début de semaine, il a été indiqué que deux étages des résidences universitaires dans lesquels nous logeons tous seront entièrement réservés aux lesbiennes-gouines-bi-transexuelle. Depuis, une petite polémique souffle sur les UEEH, que je comprends, même si sur le fond, après un moment de réflexion, je dois dire que j’approuve cette initiative. Il faut en effet bien admettre que si les femmes se répartissent uniformément dans les étages, les conditions d’infériorité numérique étant ce qu’elles sont, et n’ayant pas pu être contrebalancées par quelque tentative maladroite de discrimination positive par quota à l’inscription, elles se retrouvent bien vite isolées au milieu d’une atmosphère chargée en testostérone. En revanche, je reste persuadé que la mesure n’a pas fait l’objet d’une communication efficace et, plus globalement qu’ «expliquer», ce n’est pas «se justifier» - je trouve en fait un peu triste que ces deux notions soient confondues. Il semble qu’à l’AG de ce matin, deux ou trois interventions s’opposant à ces étages féminins, pourtant assez mesurées par rapport à la réponse qui leur fut apportée (on était soit pour ces étages, soit misogyne), aient mis le feu aux poudres.

Réunies dans l’après-midi, les lesbiennes ont décidé de faire une intervention et de révéler une affaire restées jusque là non-publique : dans la semaine, les espaces en questions n’ont pas été respectés, et deux crétins sont allés jusqu’à baiser dans les douches féminines. L’intervention se conclut par un appel à rejoindre un autre patio le temps d’une demi-heure en signe de soutien à ces espaces. Reste que cette prise de parole aura été aussi irrémédiablement maladroite que tout le reste de la communication entourant ce dossier : agressivité mal contenue, caricature, raisonnements binaires divisant le monde entre gentils et méchants. En réalité, dans les effectivement nombreuses remises en question de ces espaces que j’ai entendues au cours de la semaine, ce qui s’est exprimé le plus souvent, ce n’était pas de la misogynie, mais un regret de la diminution des interactions lesbiennes-pédés que cela allait entraîner. Une remarque qui me semble valide et qui me pousse à croire que mieux expliquée et accompagnée de mesure(s) favorisant par ailleurs des espaces de mixité, d’interaction et d’échange, ces étages lesbiens auraient été tout à fait bien acceptés et nous auraient permis de faire l’économie d’une polémique un peu vaine.

Pour la petite histoire, souhaitant privilégier le fond sur la forme, nous sommes descendus dans le second patio soutenir le principe de ces espaces...

Un peu plus tôt dans la journée, je me disait que j’avais hâte de rentrer chez moi. C’est toujours assez vrai, mais pourtant, à mesure que la soirée avance et que l’on se rapproche de l’heure du départ demain matin, l’envie de traîner près du bar et d’en profiter, jusqu’à la dernière goutte, s’installe. Peu avant d’effectivement quitter les lieux, vers trois heures, j’aperçois une dernière fois au loin le jeune homme au polo bleu propre sur lui mais si charmant avec ces traces d’innocence enfantine qui restent sur son visage. Définitivement grand gagnant du prix du mec le plus sexy de la semaine. Il a passé une robe noire et a je ne sais quel collier à plume autour du coup. La radicalité Transpédégouine aura donc atteint jusqu’aux socialistes de service, la frange la plus à droite des présents cette semaine. C’est que l’heure de la révolution est peut-être arrivée. Ou alors quelqu’un a mis de la GHB dans son verre. Quoi qu’il en soit, il était déjà irrésistible avant de témoigner de l’existence de ce grain de folie-là. Cette fois c’est sûr, le bonhomme est parfait. C’est décidé, s’il est là l’année prochaine, et que Ségo fait ce qu'elle a promis, j’irai lui parler pour lui demander de m'épouser...

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