Le site de Sullivan Le Postec, scénariste et réalisateur, créateur de la série Les Engagés.

14 Sep

Revenge ou les personnages sans âge

Publié par Sullivan Le Postec  - Catégories :  #Séries, #Revenge, #Critiques, #Mike Kelley, #ABC, #TF1, #Soap

L’été pour un sériephile, c’est la période idéale pour tenter de rattraper ce qu’on a raté pendant l’année qui s’est écoulée. Mais c’est aussi un moment pendant lequel on a souvent envie de choses un petit peu plus légères. C’est ce qui m’a conduit à regarder Revenge, un soap assez fun dont avaient fini par me revenir des échos de critiques plutôt positives, malgré un Pilote, que j’avais vu, globalement raté.

Après cinq ou six épisodes de mise en place, reposant sur des vengeances de la semaine, qui ont permis à la série de s’installer et de ne pas perdre le grand public, la qualité de Revenge monte en effet rapidement. La série s’impose comme un mix improbable de Desperate Housewives, Gossip Girl et de... Alias, résolument fun et décomplexé. A partir du moment où elle commence à s’enfoncer dans ses intrigues, elle sait trouver cet équilibre de plus en plus rare dans le rythme, c'est-à-dire qu’elle n’étire pas ses intrigues mais qu’elle ne passe pas non plus de rebondissement en rebondissement de façon totalement superficielle. Le Pilote comportait un flash-forward vers une scène dont j’imaginais qu’elle arriverait dans l’épisode final de la saison. Finalement, on y vient bien plus tôt, et Revenge s’en sert pour atteindre un premier climax avant que l’intrigue ne saute quelques mois. Le tout dernier tiers de la saison n’arrive pas tout à fait à égaler cette réussite, mais reste malgré tout extrêmement plaisant.
Revenge est aussi intéressante dans sa manière de respecter tous les ingrédients du soap / de la saga d’été, mais en les vrillant à chaque fois un peu. Une figure classique du genre est l’affrontement entre une jeune ingénue et une matriarche perverse. Sauf que dans Revenge, l’ingénue est en réalité encore plus perverse que son ennemie, et que les deux sont traversées par les mêmes problèmes de conscience.

Donc, oui, j’ai beaucoup aimé Revenge. A un détail près, qui est une tendance lourde de la télévision américaine, poussée dans cette série à un point caricatural. Je n’ai plus la moindre idée de l’âge que sont censés avoir les personnages, tant ce qu’on voit est en contradiction avec ce qu’on nous dit.
Tout cela a commencé avec les ados, quand le teen show est devenu un genre important à partir du début des années 90. Comme c’est toujours plus compliqué de faire tourner un mineur, les producteurs de ces séries se sont assez vite tournés vers des acteurs un peu plus âgés mais censés ‘‘faire jeunes’’. De proche en proche, la formule a dérivé jusqu’au ridicule, notamment quand Trevor Donovan a été casté pour jouer un ado de 17 ans dans 90210 alors qu’il en avait 31 (sérieusement, 17 ans?). A peu près au même moment, en 2010, Shiri Appleby était choisie au même âge que Donovan pour devenir dans Life Unexpected la mère d’une ado de 16 – cela alors qu’à peine huit auparavant, elle jouait encore une lycéenne dans une série de la même chaîne, Roswell.

J’ai de plus en plus l’impression que n’importe quel acteur peut jouer n’importe quel personnage entre 16 et 40 ans, sorte d’âge unique, et que les producteurs – scénaristes se fichent désormais totalement que cela ne soit pas du tout crédible. Sans parler du fait qu’il est devenu quasi-impossible de trouver à Los Angeles des acteurs ou actrices qui n’en soient pas passées par la chirurgie et/ou le botox, et qui ressembleraient au moins à peu à quelqu’un que vous pourriez croiser...

Revenge ou les personnages sans âge

Même si les événements de Revenge sont datés, je n’arrive jamais à retenir l’âge qu’est censé avoir le personnage principal tant les différentes informations que je reçois sont contradictoires. L’actrice Emily VanCamp avait 25 ans pendant le tournage de la première saison. Son amour d’enfance, du même âge qu’elle, est incarné par Nick Wechsler, 33 ans; son nouvel amour, à priori à peu près du même âge aussi, est interprété par Josh Bowman, 23 ans. Et le meilleur ami du personnage de Bowman, étudiant du même âge, c’est Ashton Holmes, 33 ans.

Les gens qui ont fait le casting de Revenge se sont peut-être dit que cela passerait comme une lettre à la poste, et que 10 ans de différence, ça ne se voyait pas à l’écran. Moi je l’ai vu, ça m’a souvent perturbé au fil de la saison, et ça a totalement empêché certaines relations d’apparaître crédibles – celle des personnages de Bowman et Holmes, notamment.
Ajoutez à cela le cas de Gabriel Mann, acteur à qui il est pour le coup très difficile de donner à un âge, mais aussi le fait que Revenge intègre des flash-backs montrant les acteurs plus âgés de la distribution jouer leur personnage 15 ou 20 ans plus tôt, et vous obtenez l’impression de personnages sans âge, suspendu dans le temps.

Et j'évite d'aborder le sujet de la longévité exceptionnelle du chien d'Amanda.

Le problème, c’est que l’âge, l’expérience de la vie qu’il implique, c’est quelque chose d’important pour un être Humain. Le problème, c’est aussi que la caractéristique première d’une série, c’est son inscription dans le temps – le fait de partager la vie de personnages et de vieillir avec eux. J’ai de plus en plus l’impression que les américains ne réalisent pas à quel point la manière dont ils jouent mal avec cet élément dans beaucoup de séries actuelles est un frein énorme à l’adhésion des spectateurs, à l’empathie.

Alors, quitte à froisser les égos de quelques acteurs, il faudrait peut-être en revenir à l’idée qu’à la télévision, on ne peut pas interpréter un personnage de n’importe quel âge.

Amanda et ses boys. Il y a peut-être 20 ans d'écart entre le plus jeune et le plus âgé, mais ne comptez pas sur elle pour faire la différence.

Amanda et ses boys. Il y a peut-être 20 ans d'écart entre le plus jeune et le plus âgé, mais ne comptez pas sur elle pour faire la différence.

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