Mes 10 séries, partie 3/5: Queer as Folk et Babylon 5
10 séries. Celles Dont les DVD repassent très régulièrement dans mon lecteur. Celles qui m’ont le plus marqué. Mes 10 séries. Je les aborde par le biais de cinq billets ludiques qui reviendront à chaque fois sur deux d’entre elles. Elles sont listées sans ordre particulier (c’est déjà assez dur de n’en choisir que 10).
- Partie 1: The X-Files et Veronica Mars
- Partie 2: Doctor Who et Friday Night Lights
- Partie 3: Queer as Folk (UK) et Babylon 5
- Partie 4: The West Wing et My So-Called Life
- Partie 5: Community et Reporters
Queer as Folk (UK)
Vince et Stuart sont deux gay amis depuis leur adolescence qui s’apprêtent bon gré, mal gré, à franchir le cap de la trentaine — c’est-à-dire le point de départ d’une inexorable déchéance physique. Vince est peu sûr de lui, et n’a jamais fait son coming out dans le supermarché où il est manager. Stuart travaille dans la pub, vit dans un beau loft, et s’est tapé presque tout ce que Manchester compte de beaux mecs. Un soir, Stuart ramène chez lui Nathan, 15 ans. Pour Stuart, c’est un plan de plus. Mais Nathan tombe amoureux, n’a pas de problème d’estime de soi, et une persévérance hors du commun. Il va s’incruster durablement dans la vie bien réglée du duo...
Si Queer as Folk passionne, y compris au-delà du cercle homosexuel, c’est avant tout par ses qualités d’écriture et sa capacité à dépeindre, en 8x30 minutes, des personnages complexes, profonds, immensément attachants. Gay lui-même, Russell T Davies écrit sur sa communauté avec un rare recul. Il possède à la fois la capacité de la sublimer et de ne jamais passer sous silence ses défauts, ses aspects sombres.
Et puis il y a cette liberté folle: les situations, le langage employé, le ton lui-même et sa légèreté, font de Queer as Folk un spectacle totalement détonnant qui est venu secouer le paysage audiovisuel britannique.
“Unrequited love, that is fantastic ! Cos it never has to change, it never has to grow up, and it never has to die!” - Vince
La réplique ci-dessus figure parmi les dernières de la série, au moment où Vince renonce à la perspective d’une vie rangée, normée. Elle est aussi réjouissante que déprimante, si on prend la peine de creuser sa signification: le parcours émotionnel du personnage n’est pas de sortir de l’immaturité qui marque son mode de vie et ses rapports affectifs, mais “simplement” d’en prendre conscience et de faire le choix de refuser de grandir.
La vie gay à Canal Street est une fête permanente où l’on peut vivre dans l’illusion d’avoir toujours vingt ans. Davies n’élude pas la superficialité de ce mode de vie, il met même un point d’honneur à la démontrer à ses personnages. Aussi positive, enthousiasmante, jouissive qu’elle soit, Queer as Folk est en contrepoint une description très lucide de ce qu’il y a de plus sombre dans la vie de Canal Street. Le génie de Davies est de nous montrer des horreurs en réussissant à ne pas nous enlever le sourire des lèvres.
Alors comment faire pour ne pas s’enfermer dans des amitiés de bar superficielles et de peu de secours ? Si la série est plutôt positive malgré son refus d’éluder la noirceur, c’est aussi parce qu’elle propose une réponse. Il faut être Nathan, avoir sa combativité, sa persévérance, et sa capacité à se faire sa place sans rien demander à personne. C’est notamment à cet égard que l’on se rend compte que le réalisme de la série repose sur des ressorts de fiction et non sur une volonté documentaire. Les personnages de la série sont des archétypes et des symboles — ce qui ne les empêche pas d’être traités en profondeur.
Par ailleurs, la série développe un véritable propos sur le sujet de la fonction sociale de la pop-culture, à laquelle la culture gay et ses codes sont assimilés, jusqu’à en faire une pop-culture comme les autres.
Comme toutes les subcultures, la culture gay, et les consommations pop-culturelles auxquels les gay peuvent s’adonner sont autant de moyens de se réunir autour d’intérêts partagés. C’est-à-dire de constituer une famille alternative, à qui on peut facilement prêter les mêmes qualités et défauts qu’à la cellule familiale traditionnelle, notamment sa capacité à protéger et/ou étouffer. A la différence majeure près que la communauté subculturelle constitue une famille choisie, qu’il est aussi possible de quitter, et au sein de laquelle le dialogue sera presque toujours possible.
Au travers de Queer as Folk, Russell T Davies exprime qu’il n’est pas dupe des possibilités aliénantes de ce système de regroupement, mais qu’il le préfère sans doute à d’autres structures dites traditionnelles, à la normativité castratrice...
Son Queer as Folk, hommage à ses propres années de fêtes dans Canal Street, intensément émotionnel, particulièrement profond, aux personnages incroyablement attachants, est une immense œuvre de télévision...
1999 - 2000
Channel 4 / Red Productions
Créé par et showrunné par Russell T Davies
Avec Aidan Gillen, Craig Kelly, Charlie Hunnam…
Babylon 5
2257. Babylon 5 est une station spatiale créée par la Terre dix ans après une guerre dévastatrice contre les Minbaris, créée dans l’espoir de cimenter la paix en permettant aux différentes cultures extraterrestres de mieux se connaître via cet ONU dans l’espace. Mais les Minbaris avaient une raison secrète pour arrêter la guerre contre les Humains et imposer le Commandant Sinclair à la tête de Babylon 5. Dans l’Ombre, une très ancienne menace est en train de se réveiller.
J’aime toujours suffisamment Babylon 5 pour la placer parmi mes dix séries préférées. Mais je ne suis pas sûr que je recommanderais de la regarder. En tout cas pas sans quelques précautions.
C’est que Babylon 5 est une série de science-fiction à petit budget des années 90. Un épisode coûtait dans les 700 000 dollars de l’époque, c'est-à-dire qu’ils tournaient de la SF avec la moitié du budget d’un Julie Lescaut. Visuellement, cela a beaucoup vieilli. Révolutionnaires à l’époque (c’était la première série à utiliser les images de synthèse plutôt que des maquettes), les effets spéciaux ressemblent aujourd’hui davantage à des cinématiques de jeux vidéo datées.
Oui mais voilà, je clame continuellement que la télévision est un média d’écriture bien plus qu’un média visuel. Et Babylon 5 n’a pas encore trouvé de concurrent qui puisse la battre sur ce terrain.
Babylon 5 est un roman pour la télévision. Son créateur, Joe Michael Straczynski en avait prévu l’histoire sur cinq saisons avant le tournage du téléfilm Pilote. Cela fait de cette série l’une des expériences télévisuelles les plus gratifiantes qui soit pour le spectateur fidèle: un élément introduit au début de la première saison peut payer deux, trois, quatre saisons plus tard. Quand on a connu Babylon, difficile d’avoir beaucoup d’indulgence pour les mythologies sérielles improvisées qui se terminent en eau de boudin, à la Battlestar Galactica.
Très théâtrale dans son approche artistique (nombre de décors se reconfiguraient pour devenir deux ou trois lieux différents, les dialogues cherchaient la poésie plus que le naturalisme…) Babylon 5 a aussi, au fil des années, développé des personnages inoubliables. Sur ce point aussi, il faut faire preuve d’un peu de patience. Les personnages qui paraissent les plus clichés dans la première saison sont ceux qui, dès la deuxième, vont finalement développer le plus de profondeur pour finalement devenir inoubliables.
Parce qu’elle a été autant pensée et réfléchie, Babylon 5 est une série aussi intéressante quand elle apporte des réponses que quand elle pose des questions, et elle ne fait d’ailleurs durer aucun mystère plus d’une ou deux saisons. Au croisement entre les œuvres fondatrices de la SF et de romans de fantasy comme Le Seigneur des Anneaux, Babylon 5 est une œuvre singulière presque entièrement écrite de la main d’un seul homme – Straczynski a écrit seul une soixantaine d’épisodes consécutifs!...
1993 - 1998
Syndication puis TNT / Warner
Créé par et showrunné par J Michael Straczynski
Avec Bruce Boxleitner, Mira Furlan, Andreas Katsulas, Peter Jurassik…