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11 Jan

Quelques réflexions sur les nouveaux X-Files – My Struggle III (11x01)

Publié par Sullivan Le Postec  - Catégories :  #The X-Files, #Séries, #Mythologie en série, #Saison 11, #Chris Carter, #Critiques

La période actuelle ne se prête pas forcément à ce que je consacre beaucoup de temps à écrire sur la saison en cours de The X-Files. Néanmoins, et notamment parce que tout indique que cette saison est la dernière (*) j’ai décidé de rédiger quelques réflexions sur ces nouveaux épisodes. N’étant pas certain de pouvoir couvrir en détail chaque épisode, je préfère laisser ces billets ici sur mon blog perso.

(Mes critiques des épisodes de la dixième saison sont publiés sur le Daily Mars.)
Comme toujours, il convient de lire l'article de Eat the Corn sur l'épisode.

(*) A la fin de « My Struggle III », Chris Carter a laissé un message codé de remerciement :

« My Struggle III »

Écrit et réalisé par Chris Carter

The truth still lies in the X-Files

Dana Scully

William, qui apparaît pour la première fois depuis 15 ans au travers de visions qu'il envoie à Scully

William, qui apparaît pour la première fois depuis 15 ans au travers de visions qu'il envoie à Scully

Dans le bureau des X-Files, au sous-sol du FBI, l’agent Scully s’est effondrée sur le sol, terrassée par une vision qu’elle pense prophétique, les événements cataclysmiques vus dans « My Struggle II ». Tandis que Mulder et Skinner cherchent à comprendre les causes de l’hyper-activité cérébrale dont elle souffre, il devient apparent que plusieurs parties cherchent à retrouver William, le fils de Mulder et Scully confié à l’adoption quinze ans plus tôt...

A conspiracy of men

A ce stade, chacun se sera fait son opinion sur l’épisode. En tant qu’heure de télévision, « My Struggle III » est problématique – il souffre de problèmes similaires aux deux précédents opus de la quadrilogie, et notamment d’un déluge de dialogues d’exposition.
En réalité, ce segment est essentiellement constitué de trois ou quatre longues conversations (entre l’Homme à la Cigarette et Reyes ; entre Mulder et Mr Y, le nouveau conspirateur ; entre Skinner et l’Homme à la Cigarette ; Mulder et Scully échangeant ensemble en ouverture et conclusion de l’épisode). Pour dynamiser cela, Chris Carter fait un usage intensif (et, dans l’absolu, plutôt réussi) de montages alternés, mais aussi d’inserts (des décors entiers sont créés pour des flashes de 5 secondes, ce qui est un moyen un peu stupide de dilapider son budget à la télévision), et de scènes d’action qui semblent parfaitement gratuites (elles le sont).
Carter a été un réalisateur inspiré par le passé. Il est difficile de retrouver dans ses épisodes récents la trace de celui qui a mis en scène « Duane Barry » ou « Triangle ». Quelque chose semble s'être figé chez lui (malgré quelques images superbes, essentiellement issues, et ce n'est probablement pas un hasard, des flashes-back dénués de dialogue).

En termes de narration, l’ensemble est bien évidemment faible, en dépit du fait qu’intellectuellement, le contenu soit plutôt intéressant, surtout pour ceux qui, comme moi, sont investis depuis 25 ans dans l’axe de la conspiration de la série, ce feuilleton bien plus cohérent que sa réputation.

A cet égard, et malgré la manière inattendue dont il retourne la table dans ses premières minutes, « My Struggle III » confirme mon analyse de la saison précédente. Et si l’épisode II nous laissait au milieu du gué, avec plusieurs grilles d’interprétations encore possibles, cette saison débute en clarifiant les intentions de Carter et ce qu’il veut raconter.
La saison précédente n’a rien annulé de la continuité de la série originelle. Tout ce que nous avons vu s’est bien passé. Le Syndicat a noué un pacte avec les extraterrestres pour les aider à coloniser la planète en l’échange de leur survie. Ce partenariat était complexe et plein de faux-semblants. Les extraterrestres avaient leurs secrets (le Syndicat découvrait dans le premier film, « Fight the Future », leur intention d’exterminer l’essentiel de l’Humanité), les conspirateurs avaient les leurs (une conspiration dans la conspiration visait à développer en secret un Vaccin permettant d’immuniser l’Humanité contre la contamination alien).

Lorsque The X-Files est revenue il y a deux ans, à fortiori compte-tenu du nombre limité d’épisodes, Chris Carter aurait pu se contenter, pour la mythologie, de rejouer les meilleurs morceaux (un petit gris par ci, une contamination par l’Huile Noire par-là) en teasant le retour de William. Mais le scénariste s’est montré plus gourmand, rebattant réellement les cartes de la mythologie dans le contexte de l’Amérique contemporaine. Carter est souvent transparent sur les circonstances extérieures qui influent sur son écriture. Au début du premier « My Struggle », Mulder regardait Obama faire des blagues sur les aliens dans un late show : ‘‘my life has become a punchline,’’ disait-il. Les extraterrestres étaient-ils vraiment ce qu’il y avait de plus effrayant à l’époque de la surveillance de masse, de la montée de « l’alt-right », des prédicateurs conspirationnistes officiant sur Internet, des « vérités alternatives » de la campagne Trump ?
De là découle le nouveau et sombre postulat posé dans ces nouveaux épisodes : si une puissance extraterrestre capable de voyages interstellaires arrivait jusqu’à la Terre, il serait fort possible qu’elle soit dépassée par ce qu’il y a de plus vil et sombre dans l’humanité, par sa capacité à succomber à ses passions tristes, sa propension à l'autodestruction. De là, pourrait venir sa défaite. C'est largement moins triomphant qu'Independance Day.

Quelques réflexions sur les nouveaux X-Files – My Struggle III (11x01)

Je ne crois pas nécessairement la version donnée dans « My Struggle III » selon laquelle les extraterrestres seraient repartis de leur plein gré. Surtout quand ce que l'on nous dit permet logiquement de déduire un autre enchaînement d'événements. On sait que la première ressource qui intéressait les aliens, c’était les corps Humains, qu’ils comptaient utiliser pour une gestation de masse qui mènerait à un remplacement de la population de la planète. (Pendant longtemps, le Syndicat a cru que les extraterrestres voulaient se contenter de contrôler les Humains par l’Huile Noire pour en faire une population esclave, mais le principe reste le même : ce qui les intéressait, c’était de nombreux Humains vivant).
L’Homme à la Cigarette, membre du Syndicat qui a toujours eu avec lui une relation troublée du fait de son refus de rendre des comptes et de sa tendance à garder ses propres secrets, a conçu son propre programme en utilisant ceux du Syndicat (c'est pour cela qu'il me semble logique que le Vaccin contre la Variole ait une fonction officielle -- cataloguer l'humanité pour faciliter les recherches sur un vaccin -- en plus de la fonction secrète de CSM -- inoculer le « virus spartiate »). En introduisant ce « virus spartiate », le Fumeur s’est donné la possibilité d’exterminer lui-même l'Humanité à tout moment, rendant la Terre inutile pour les colonisateurs. (La série classique nous disait déjà, dans « The Truth » [9x20] que les aliens n'avaient accepté de collaborer avec le Syndicat que parce que celui-ci avait menacé de détruire l'Humanité à la bombe atomique).
Dans cette mythologie post-alien (où leur retour / vengeance semble tout de même inévitable), la conspiration s’est à nouveau scindée en deux camps (comme à l’époque de la nouvelle guerre froide entre partisans de la collaboration et partisans de la résistance). Les objectifs exacts du deuxième camp restent peu clairs, projets de sphère de Dyson mis à part.

Quelques réflexions sur les nouveaux X-Files – My Struggle III (11x01)

Un problème de format

Si tout cela avait été distillé au fil de deux saisons traditionnelles, c’est-à-dire une douzaine de segments mythologiques, sans doute cela nous aurait-il valu quelques excellents moments. Mais compressée en quatre épisodes, avec en plus d’importantes bascules de points de vue (un premier épisode centré sur Mulder, un deuxième sur Scully, un troisième sur le Fumeur et un quatrième, à venir, qui mettra très certainement en avant William), ces rebondissements n’ont tout simplement pas le temps de se développer.
C’est le cœur de ce qui fait que ces épisodes mythologiques des saisons 10 et 11 ne ressemblent pas à du X-Files, même s'ils en contiennent tous les ingrédients : Mulder et Scully ne mènent rigoureusement aucune investigation. Ils rencontrent des gens qui leur exposent tour à tour leur version des événements. La seule enquête est menée par les (rares) spectateurs suffisamment intéressés pour trier les éléments de vérité noyés dans les mensonges. C'est l'exact contraire de la narration de la série originale, dans laquelle la conspiration ne se dévoilait en filigrane que derrière des enquêtes presque indépendantes (sur des chercheurs japonais, sur ce qui se cachait dans un avion de la deuxième guerre mondiale échoué au fond du Pacifique, etc.).

Dans le même ordre d'idée, le spectacle a toujours été une composante des épisodes mythologiques. Lors des cinq premières saisons, l’équipe cherchait constamment à se dépasser pour créer des séquences mémorables. Mais celles-ci (la découverte d’un sous-marin encastré dans les glaces de l’Arctique, l’exploration du site du crash d’un avion, l’enlèvement de Cassandra Spender par les aliens)  intervenaient comme des climax logiques pleinement intégrés à des intrigues passionnantes. Ces scènes étaient essentielles dans ces récits alors que les séquences d’actions des différents « My Struggle » (ici la course-poursuite en voiture) pourraient presque toutes être coupées sans incidence sur la compréhension, dévoilant ce qu’elles sont : des distractions vaines au milieu d’épisodes boursoufflés de dialogues.

Ce dont souffre principalement cet arc, c’est donc d’un problème de format. Carter n’a pas su adapter ses envies de narrations à la durée qu’on lui confiait. Le résultat, c’est d’impossibles compromis qui gâchent de réelles bonnes idées.
C’est le cas par exemple de cette vision de Scully. Pour le coup, c’est l’un des rares moyens trouvé par ces épisodes de révéler des choses de façon dynamique (imaginez tout apprendre du virus spartiate et du rôle de l’ADN alien de Scully pour le contrer uniquement par des dialogues, sans la tension de l’apocalypse en cours). Mais faire de l’épisode des visions un cliffhanger de fin de saison, et laisser attendre les spectateurs deux ans avant de leur tirer le tapis sous les pieds, pousse le bouchon tellement loin que le syndrome « Bobby sous la douche » est inévitable. C’est dommage puisque, contrairement à Dallas, Chris Carter savait parfaitement en écrivant « My Struggle » ce qui constituait une vision, et puisque cette explication corrige quelques-uns des plus gros défauts de l’épisode précédent (mais pourquoi les signes de la contamination ne sont pas apparus graduellement au fil des épisodes précédents, et surtout, qu’est-ce que c’est que ce zoom délirant sur l’œil de Scully dans son bureau ?).

Néanmoins, le nouveau postulat mythologique des X-Files moderne étant maintenant posé, et malgré ma frustration, je garde espoir que la conclusion à venir puisse se révéler satisfaisante. Une plus grande intégration entre les histoires indépendante et la mythologie semblant au programme des prochains épisodes, c’est encore possible.

Quelques réflexions sur les nouveaux X-Files – My Struggle III (11x01)

Random thoughts :

1. La scène de « révélation » de l’Homme à la Cigarette : ‘‘William is my son’’, et ce qu’elle implique de manipulations sur Scully, a été écrite et tournée au début de l’été dernier. Sa diffusion dans le contexte actuel pouvait difficilement tomber plus mal. Le plus énervant est qu’elle n’est qu’un choc gratuit destiné à faire du buzz. Chris Carter a déjà confirmé que William n’est pas le fils de l’Homme à la Cigarette au sens biologique du terme, mais seulement au sens figuré : c’est le Fumeur qui a créé les conditions de sa naissance en altérant la biologie de Scully. Pour le reste, sa propension à manipuler et à se placer au centre du monde est réexposée dans l’épisode.
Plusieurs hypothèses concurrentes sur l’origine de William existent : les miracles des Vaisseaux des Origines [6x22 – 7x01, 9x09 – 10], les manipulations génériques vues dans « Per Manum » [8x13], le programme chloramine [9x01 – 02] et maintenant l’intervention de CSM dans « En Ami » [7x15]. De ces hypothèses, seule celle de Per Manum a été formellement éliminée, les trois autres restent en lice, séparément ou combinées.
Ajoutons tout de même que les auteurs ont pris soin d’inclure dans « all things » [7x17] une nuit d’intimité entre Mulder et Scully qui serait celle de la conception. La vision de William lui-même confirme quasiment que Fox Mulder est bien son père biologiquement parlant.

2. Suffisamment d’éléments de « My Struggle III » viennent corroborer la vision de « My Struggle II » pour que l’on sache que celle-ci correspond bien à la réalité des plans de l’Homme à la Cigarette.
Néanmoins, certains différences interrogent, et en premier lieu l’état physique du Fumeur lui-même. Sa lente reconstruction physique semble avoir progressé entre « My Struggle » I et III puisqu’il ne semble plus avoir sa prothèse faciale. Pourtant, ces lourdes cicatrices étaient présentes dans la vision envoyée par William. D’où viennent ces visions ? Du futur... ou plutôt d’un univers parallèle qui serait ‘‘en avance’’ sur le nôtre ?

3. Dans sa gourmandise, Chris Carter nous noie aussi sous les nouveaux personnages. Résultats, les deux nouveaux agents Miller et Einstein ne viennent ici que pour douze secondes. Il semble que dans la version originale du scénario, ce sont eux qui sauvaient Scully à la fin de l'épisode. A juste titre, Duchovny a réclamé que cette action revienne à son personnage, réduisant la participation des excellents Robbie Amell et Lauren Ambrose à l'anecdote bizarre.

4. Je m’imagine tellement facilement Chris Carter découvrir ça et danser de joie et d’excitation pendant trois jours :

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G
Excellente analyse. Je ne partage pas cette vision de la mythologie car je reste sur l'idée que les Aliens n'aient jamais eu l'intention de nous coloniser et qu'une strate supplémentaire du complot existe, même si les indices et faits sont en apparence contre cette idée. Mais RIEN n'est en contradiction avec la Vérité sinon ce que nous en savons. Merci d'avoir partagé tes impressions en tout cas :)
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