Sortie DVD: J'ai Tué ma Mère
Le DVD de J'ai tué ma mère, premier film du Québécois Xavier Dolan, 20 ans, dont il a signé le scénario et où il tient aussi le premier rôle, est sorti ces jours-ci, alors petit up pour ce billet écrit cet été au moment de la sortie en salle.
Facile d'imaginer comment J'ai tué ma mère a pu en irriter fortement certains. C'est l'apanage des propositions fortes qui débordent de personnalité. Qu'on aime ou qu'on déteste, sans doute peut on au moins le reconnaître Pour un premier film, c'est plus que prometteur! On a vu bien des dixièmes films qui n'arrivaient pas à la cheville de celui-ci...
J'ai tué ma mère est un film intense. Tantôt hilarant, tantôt angoissant par la sensation d'étouffement que procurent l’enchaînement circulaire de séquences d'affrontement verbal d'une grande violence...
En sortant du cinéma, je me suis dit que réalisé aujourd'hui par un français, cette histoire aurait eu de grandes chances de finir lugubre et chiante (une pensée pour la photo désespérément grise des films d'Honoré).
Ici, le Québécois Xavier Dolan fait preuve de suffisamment de recul pour ne pas se prendre au sérieux, filme des moments de comédie débridée, de folie, et révèle une capacité à soigner la mise en image -- a contrario d'une certaine vision d'auteurs pour qui une photographie travaillée et une image esthétique, c'est vulgaire. Le film reste férocement cruel, mais il a l'intelligence d'être tellement plus que ça...
Toutes les tentatives ne sont pas réussies (certains cadres notamment) mais putain que c'est rafraîchissant de voir quelqu'un prendre des risques! Quelques bonnes idées (les textes a l’écran , quelques séquences sublimes (le dripping) et d'autres d'anthologie (le savon de la mère au Directeur du pensionnat) achèvent de donner une très, très bonne impression.
C'est vrai quand bien même la deuxième partie du film, qui tente finalement de revenir à une forme de narration un peu plus classique, paraît moins convaincante que la première. La faute notamment à quelques ellipses sans doutes un peu trop grandes, à des éléments non-dits qui s'adossent à mon avis mal au coté très verbeux de la première moitié -- pas facile pour le spectateur de changer de grille de lecture au milieu du film. En effet si la relation entre Hubert et sa mère est tout entière portée par la parole, celle avec son petit ami Antonin est au contraire faite d'un silence assez abscons Certains éléments (la sexualisation de leur relation par le truchement de l'aventure d'Hubert avec Eric au pensionnat, notamment) ne me semblent pas forcément très lisibles et auraient, il me semble, gagné à être clarifiés.
Alors on pourrait s'agacer du coté mégalo de l'entreprise -- le scénariste réalisateur de 20 ans se confiant le premier rôle. Mais même ça c'est difficile. D'une part tout est suffisamment réussi pour offrir peu de place à la critique et, par ailleurs, le narcissisme et l’égoïsme du personnage de Xavier Dolan ne sont pas contournés mais bien clairement critiques dans le film notamment quand Antonin lui parle enfin lui-même dans une scène de dispute qui, à contrario de celles avec la mère, dégage une grande tendresse.
L’interprétation, a une ou deux maladresse près (dans la séquence avec le père notamment) est de haute volée et tient parfaitement les longues scènes de dialogues. Anne Dorval, s'il faut un instant pour oublier Brenda/Criquette du Coeur a ses raisons, est épatante et opère parfaitement la bascule qui finit par rendre cette mère insupportable touchante, le tout sans aller vers la facilité.
Et, sur un plan anecdotique, je conclurai en disant que Xavier Dolan a aussi bon goût en matière de garçons : les deux mecs qu'il s'est choisi dans le film (François Arnaud et Niels Schneider) sont sublimes...